Chloe Dubreuil

L’Esprit du Graal

Début du XIIe siècle, le monde ne sera plus le même…

En Palestine, Jérusalem est tombée aux mains des croisés. Deus vult, Dieu le veut, la terre se déchaîne, une mer de sang ravage la région. Dans ce fracas des armes, ce tumulte des cœurs Onfroi de Saissac, obscur chevalier occitan, se voit confier une mission pareille à nulle autre : emporter dans le Midi de la France où une Pure est née, où de Nouveaux Chrétiens espèrent apporter la lumière aux hommes, le Graal parmi les graals. Mais dissimuler et protéger la Pierre de Vérité de la furie et de la convoitise des plus exaltés est un chemin semé d’embûches.

Tant de destinées vont se mêler et se confronter… Tant de personnalités se révéler, jusqu’à se perdre parfois… Autour d’Onfroi de Saissac, la frondeuse Asseline, qui se rebelle contre sa condition de pucelle ; Raoul de Montady, prêtre et sicaire du Christ égaré dans les limbes de sa foi ; Muriette, l’enfant prodige, Élue de Dieu, agneau voué au sacrifice…

L’Esprit du Graal est un roman à l’atmosphère épique, dont les péripéties nous transportent d’un côté et de l’autre de la mer avec la passion de la grande et de la petite histoire. Construit comme un thriller, richement documenté, magnifié par des personnages à l’identité forte, il nous dévoile une période pleine de bouleversements : celle de la première croisade en Palestine, de l’émergence du catharisme en Occident, de la naissance des Templiers au Levant.

 

Chronique « Mes promenades culturelles » :

« J’ai pris mon temps pour lire ce roman car je ne voulais pas risquer de passer à côté de quelque chose. Les fêtes achevées, la famille partie, l’appartement rangé, me voici donc à nouveau le nez dans les livres. Et comme vous le savez, je ne résiste jamais, faible que je suis, à l’appel du Moyen Âge. Rien que le titre est déjà un enchantement, la couverture, une évasion… Si l’on me cherche, je suis en voyage, destination le XIIe siècle, entre Jérusalem et Carcassonne. Merci de ne me déranger sous aucun prétexte !

Attention Pépite ! Et je vous assure que je pèse mes mots ! J’ai été littéralement happée par le vortex stylistique de Chloé Dubreuil qui n’a pas son pareil pour nous faire vivre des épisodes historiques ou pseudo-historiques. Âmes sensibles, vous allez vous endurcir ! Sur certains points, le monde médiéval est âpre. On ne fait pas dans la dentelle… Et quelques instants, relatés comme si on y était, font froid dans le dos. Je pense notamment à l’exécution par le pal du seigneur de Montady devant Raoul, son fils de neuf ans… J’en ai encore la chair de poule ! Ajoutons à cela le récit d’une émasculation partielle… On n’y va pas de main morte ! Mais pour compenser toute cette violence, on a aussi de beaux moments. L’instant où Asseline « devient femme » est d’une splendeur ! Bref, on tourne les pages fébrilement, on a hâte de savoir ce qui va se passer… L’atmosphère ésotérique vous prend et ne vous lâche plus !

Et ce final ! Éblouissant ! Mais dites-moi un peu, Dame Chloé, n’auriez-vous pas été conteuse ou poétesse dans l’ancien temps ? Bon, je pense que vous l’aurez compris, j’ai adoré ce texte qui ne ressemble à aucun autre. Je suis toujours surprise (dans le bon sens du terme) par les écrits de notre romancière et j’en redemande ! »

Le faiseur de diables

An de grâce 1506.

Une série de crimes sordides dans la ville de l’illustre Jérôme Bosch et bien des peurs ressortent. Arent Saeghers, bras droit du bailli, est chargé d’enquêter, mais en s’exposant aux démons et merveilles qui flagellent le monde des hommes à travers les tableaux du peintre, ce lieutenant à la trouble personnalité risque fort de s’exposer à des périls plus intimes, et fatals, qu’il ne l’aurait cru.

À mi-chemin du roman noir et du polar historique, Le faiseur de diables nous plonge avec délectation dans un XVIe siècle humaniste et pourtant empreint de superstitions, au plus près d’un des grands artistes de cette époque et des rouages de son imaginaire.

 

Chroniques, critiques autour du livre…

Interview sur le blog Histoire et fiction

La couverture de votre roman est un détail du tableau Le jugement dernier de Jérôme Bosch. Dans quelle mesure cette œuvre a-t-elle influencé le sujet du roman ? Pourquoi l’avoir choisie ?

Ce n’est pas tant Le jugement dernier qui a inspiré l’intrigue de mon roman que l’univers particulièrement fantasmagorique du peintre. Maintenant, vous me direz, pourquoi ce tableau plutôt qu’un autre de Jérôme Bosch ? Le jugement dernier est une notion à laquelle fait référence mon personnage principal par deux fois dans le roman. Elle a du sens pour lui, et reflète les considérations qu’il porte sur le monde et ses semblables. Le choix de ce tableau en couverture n’est donc pas anecdotique.

Le Faiseur de diable se déroule au temps des primitifs flamands. Cette période est souvent associée à un âge d’or artistique pour les Pays-Bas. Pourtant, vous choisissez d’évoquer des crimes sordides dans une ambiance très sombre. Comment expliquer un tel contraste ?

La peinture des primitifs flamands a une forte connotation religieuse – regardez les Van Eyck – quand elle ne porte pas sur la vie sociale comme les tableaux de Brueghel l’Ancien. Nous sommes aux débuts de la Renaissance, aux prémices de la Réforme protestante. Le Nouveau monde vient d’être découvert, l’Église se déchire, les Pays-Bas de même, partagés entre ceux qui soutiennent le Saint Empire romain germanique et ceux qui regardent du côté de la France. La guerre civile est encore dans tous les esprits. C’est dans une société en plein bouleversement, encore fort éprise de superstition médiévale, une société pleine de peurs et de questionnements, que s’inscrit mon roman.

L’œuvre de Jérôme Bosch est unique : elle nous plonge avec férocité et sublimité dans les travers de l’Homme. Elle est un miroir tendu à nos vices et perversions, tout en essayant de nous montrer, symboliquement, le chemin à suivre pour nous en extraire. Bref, la peinture de Bosch se prête tout à fait au genre noir. Le Faiseur de diables n’avait plus qu’à se couler dans le moule de cette époque qui aspirait à un renouveau culturel, politique, et moral, sans pour autant parvenir à se débarrasser des terreurs du passé.

Qui est votre personnage principal, Arent Saeghers ? Est-il inspiré d’un personnage réel ?

Aucunement. Arent Saghers est un personnage comme je les aime : qui se tient sur le fil de la déraison, plein de force et pétri de fragilités. Ambigu, tourmenté. Un personnage des plus humains en sorte…

Au début du XVIe siècle, à quoi ressemblait la vie quotidienne à Bois-le-Duc, la ville natale de Bosch, loin de la Cour de Bruxelles ?

C’était une cité de moyenne envergure, inféodée au commerce, et à ses richesses. Les bourgeois et clercs avaient force de loi. Bois-le-Duc était une ville florissante, la population vivait plutôt bien.

Quelle place ont les recherches historiques dans votre travail d’écriture ? Quelles libertés vous êtes-vous accordées par rapport aux faits connus ?

J’aime que mes lecteurs puissent avoir confiance en ce qu’ils lisent. Je suis donc très attachée à raconter la grande histoire à travers la petite, à user de figures historiques en personnages secondaires. Les éléments relatifs au cadre de vie, à l’entour politique et social, ne sont pas fictionnels. Je passe toujours du temps en bibliothèque et sur internet avant de commencer à écrire mes romans historiques. Au cours de l’écriture elle-même, je vérifie constamment les détails. Mais je garde ma pleine liberté pour ce qui est de l’intrigue et de mes protagonistes principaux. J’ai besoin de laisser mon imagination vagabonder, composer selon ses envies. Je répète souvent à mes étudiants que la liberté est la qualité première de la fiction. Je ne pourrais continuer à écrire sans elle.

En quoi Le Faiseur de diable se distingue-t-il de vos autres romans « médiévaux » ? Allez-vous continuer à écrire sur cette période ?

Mes autres romans historiques ne sont pas des polars, romans noirs, mais plutôt de grandes fresques aventureuses – j’adore ce genre.  Actuellement, je travaille sur des « mémoires » de Gilles de Rais, l’un des plus fameux compagnons de Jeanne d’Arc et, accessoirement, le premier « tueur en série » de l’Histoire française. Un roman écrit au « je », comme je l’ai déjà fait pour Yeshoua et Eva Braun. Voilà un défi comme je les aime.

 

www.letournepage.com/livre/le-faiseur-de-diables/:

« Le faiseur de diables. Joli titre, n’est-ce pas ?

Un titre qui m’a fait de l’œil, posé sur la couverture juste au dessus d’un célèbre tableau de Jérôme Bosch, Le jugement dernier.

Jheronimus Bosch – attention, pas le héros récurrent des romans de Michael Connelly, mais bien le formidable peintre hollandais du XV° siècle ! – est un des personnages principaux du court roman de Chloé Dubreuil.

Un récit que le pitch situe à mi-chemin du roman noir et du polar historique, mais que je qualifierais plus précisément de roman néogothique.

Une histoire terriblement sombre – au propre comme au figuré, car les ambiances automnales et les éclairages à la bougie prédominent – où les crimes horribles se succèdent, au sein de la communauté de Bois-le-Duc.

Chargé de l’enquête, Arent Saeghers navigue entre les intrigues politiques et les influences religieuses, aidé par Agostino, le jeune apprenti de maître Bosch qu’il lui a confié.

Tout n’est que faux-semblant dans cette histoire, à commencer par la personnalité d’Arent Saeghers et celle d’Agostino (mais je n’en dirais pas plus, car ceci constitue le cœur même de l’intrigue).

Tout le talent de Chloé Dubreuil – une auteure pleine d’expérience qui a déjà publié plus d’une dizaine de romans, aux toiles de fond majoritairement historiques – est d’avoir « calé » sa narration et son style sur le rythme et l’ambiance de l’histoire.

Un style d’un grand classicisme, parfois volontairement un peu austère, un vocabulaire émaillé de mots et d’expressions anciennes (sans que cela tourne jamais au procédé) : c’est un plaisir de lire un texte d’une telle qualité littéraire.

Jusqu’à sa conclusion, la pénombre qui règne sur le roman perdurera : Le faiseur de diables n’est pas un roman d’espoir; mais avec un titre pareil, vous pouviez vous en douter… »

 

Promenades culturelles:
« Je trouve toujours original de s’inspirer d’un peintre, d’un tableau pour en écrire un roman. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’un policier. Ajoutons à cela la contrainte de l’Histoire… Voilà bien des obstacles auxquels s’est attelée Chloé Dubreuil. Nous partons dans le monde de Jérôme Bosch, un peintre un peu à part qui m’a toujours fascinée. Nous sommes en 1506, à Hertogenbosch (Bois-le-Duc). Des crimes ont lieu. Arent Saeghers, le bras droit du bailli, va mener l’enquête. Mais attention, les démons veillent…

J’ai vraiment aimé cette histoire. Elle m’a tenue en haleine jusqu’à la fin. Impossible pour moi de refermer ce livre avant de savoir. De plus, j’ai plongé avec délice dans le monde de ce peintre particulier. J’ai adoré.

Je suis admirative ! En effet, Chloé Dubreuil arrive toujours à se renouveler, quel que soit le sujet. De la biographie au roman noir, c’est toujours un vrai plaisir de la lire. »

 

EXTRAIT

 

Au commencement

Où le crime nous invite à une ronde macabre

 

Hertogenbosch,[1] duché de Brabant, Pays-Bas bourguignons

2 novembre 1506

Les morts rôdent, c’est leur nuit. Une vraie nuit de cavale qui ne demeurera pas sans victime. D’ailleurs, au-dessus de la ville et de ses remparts, la lune elle-même se fait complice : obscène, d’une blancheur spectrale. Son reflet bondit d’un canal à l’autre, guette, attend.

La lune attend que le doigt de Dieu se pose sur le col du Diable. Là, dans le cimetière Sainte-Gertrude. Près, tout près d’une stèle gravée au nom de dame Ioule, « de bon renom, épouse d’affection de Maerten Andriessen », et d’un homme accolé à sa tombe lequel, en cette heure indue, et sans qu’il ne s’en rende compte, a été suivi. Sans doute avait-il l’esprit absorbé par sa visite au cimetière si longtemps repoussée… Quoi qu’il en fût, il ne pouvait mieux choisir, sans même le vouloir, le lieu de son trépas. Dans le relief tourmenté des allées bordées d’arbres dépenaillés se dresse la cohorte des sépultures. Moussues, livides elles aussi.

Pourquoi s’attarde-t-il ? Serait-ce ses regrets qui le retiennent ?

De l’autre côté du mur du cimetière, une cloche ébranle son battant. La mi nuit s’exalte et pourtant une impression de solitude et d’abandon, poignante, émane de l’endroit.

Le son de cloche expire.

Tapi derrière un puits étouffé par le lierre, tu retiens ton souffle – comme si quelque chose en toi se calquait à l’inertie de ta proie. Puis cette dernière s’extrait enfin de son apathie. Le froid, humide en cette saison, s’est insinué dans les veines de ta victime. Sa paume se détache avec peine de la pierre tombale sur laquelle elle était posée. Tranchant sur le gant noir, une chevalière en or, au chaton octogonal, s’aperçoit un instant entre deux éclats de lune.

L’individu, dont on discerne à présent l’échine cagneuse, se redresse avec difficulté, grimace en sentant ses genoux se rebeller contre la posture qu’il avait adoptée. Agacé, il relève derrière sa nuque la fourrure en lynx de son manteau, d’un brun aussi foncé que la toque à bords relevés qui couvre son crâne, dégarni, et sous lequel transparaît un visage au front bas et rugueux. Il a la mise soignée d’un échevin. Serait-ce là un riche marchand ? Un maître artisan ? Peu importe. L’homme, en ce cimetière, vit ses derniers instants. Ses ultimes instants de vivant que l’éternité se hâtera de damner.

 Dans son dos, les ténèbres se trouent d’un mouvement rapide : l’ombre que tu formes vient de jaillir. Au loin, un chien se met à hurler ; tu n’en tiens pas compte, comme si ce hurlement se condensait en toi depuis longtemps…

Plus au nord des sépulcres, à l’endroit où le linceul des indigents se désagrège dans leur fosse – laissant s’échapper les gaz dus à la décomposition des cadavres qui s’enflamment aussitôt au contact de l’air -, une flammèche jaunâtre, suivie d’une deuxième, vermillon, tourbillonne tout à coup dans l’air. D’autres naissent, rouges, jaunes, bleu pâle ; feux follets dansant leur ronde folle pour accompagner l’échevin au seuil de son enfer.

Celui-ci n’a pas le temps de s’effrayer de ces esprits de feu, il a perçu une respiration dans son dos. Lente, mesurée, avant qu’elle ne se condense en une expiration échevelée. Il se retourne brusquement, dicté par son instinct, le sentiment, soudain, d’un péril imminent. À ses pieds, l’esconce où brûle un lumignon n’éclaire qu’une large houppelande traînant au sol. La capuche qui lui fait face masque les traits de son agresseur. 

Écarquille les yeux, vil pécheur ! Mammon[2] et sa horde de monstres escortent le porteur de lame. Tu ne les vois pas, mais lui si car il est celui qui châtie en leur nom.

La bouche de l’homme s’arrondit sur l’esquisse d’une question qui reste coincée dans sa gorge : à la peur qui l’a saisi fait maintenant place la douleur lui trouant le cœur. Dans un ultime réflexe de défense, sa main crochète le revers de ta houppelande, puis le lâche.

Ta dague a fait son œuvre. Un coup d’estoc du haut vers le bas. Net, précis. Fiévreux, haineux.

Au loin, le chien s’arrête de hurler. À la verticale des tombes, l’astre nocturne tire sa révérence, absorbé par un taillis de nuages. Les feux follets poursuivent leur ronde macabre. Ton ombre assassine a frappé. On voit ta main couturée d’une pâle cicatrice enfouir quelque chose dans le gosier de ta victime. Une manière de râle – jouissance ? désespérance ? – fuse des tréfonds de ta capuche avant que tu ne traces en lettres de sang, l’index tressautant soudain nerveusement, deux mots sur la pierre de granit : « exempla contraria ».[3] Cela fait, tu te recroquevilles un instant sur toi-même, presses ton poing contre ta tempe, semblant vouloir retenir en toi une force obscure. De ces forces qui peuvent vous emplir, qui sont telle une peau tendue par-dessus d’autres sentiments, plus douloureux. Te dépliant ensuite de nouveau, tu t’esquives. Fuis, hagard. L’on perçoit alors un murmure frôler tes lèvres :

– Si peu de lys parmi les épines. Si peu de lys… Si peu de lys… Si peu…

L’antienne rebondit d’une ruelle à l’autre, exilant ta raison sur des rives que

[1] Bois-le-Duc, chef-lieu actuel de la province du Brabant-Septentrional aux Pays-Bas.

[2] Puissance démoniaque régnant sur la cupidité (prêt à usure, vol, ruse).

[3] « Exemple à ne pas suivre ».

 

Les limbes d’Icare

An 402 après le Grand Enfermement, Icare est condamné. Parce qu’il a contrevenu à l’une des lois fondamentales de sa société, il devra dorénavant se heurter à tout ce que son monde avait éradiqué : la maladie, la douleur. La vieillesse, la mort.

Exilé parmi le Peuple sans Nom, ce peuple qui a recouvert de bidonvilles le vieux monde, Icare se lance dans un road-trip halluciné qui le mènera au-delà de l’océan, à la découverte de lui-même et du pire comme du meilleur de l’Homme. Un périple sans retour avec au bout, peut-être, l’idée de liberté et tout l’amour d’une enfant.

 

Ce récit surprenant, à mi-chemin entre la dystopie et le roman d’initiation, fait vibrer la corde sensible de son lecteur en conjuguant avec aisance le rêve et le cauchemar. La quête de vie menée par Icare est de celles qui se veulent à la fois tendres, fulgurantes et féroces, et qui résonnent encore longtemps en nous après avoir fermé la dernière page du livre.

 

CRITIQUES:

Mes promenades culturelles :

« Vous connaissez certainement Chloé Dubreuil si vous me suivez car ce n’est pas le premier roman dont je fais la chronique. En revanche, il s’agit de la première dystopie que je lis, écrite par ses soins.
En l’An 402 après le Grand Enfermement, Icare est condamné. Il est emmené de l’autre côté du mur et est condamné à errer parmi l’autre peuple, celui qui éprouve toutes les douleurs, les maladies, qui vit dans la misère la plus complète et dans une déchéance sans nom. Icare arrivera-t-il à se faire une place dans cette société inconnue ? Supportera-t-il de souffrir ?
Comme d’habitude, lorsque je lis un livre de Chloé, que je remercie pour sa confiance renouvelée, je ne vois pas passer les heures. Ce fut également le cas pour celui-ci.
J’aime beaucoup les dystopies et je peux vous assurer que celle-ci ne laisse pas indifférent ! Âmes sensibles s’abstenir ! Je ne regrette qu’une chose : en avoir déjà fini la lecture ! »

 

EXTRAIT

Centre de répanouissement

Continent intérieur

Année 402 depuis le Grand Enfermement

 

 

La B+ Jolana P. inclina insensiblement la tête. Dans ses iris bleutés prenait forme le songe de son patient.

Coulé dans un fauteuil microfibre, l’homme avait les yeux qui se déplaçaient par à-coups dans leurs orbites, il rêvait. Un rêve éveillé qui s’avérait un vrai nid de chimères. La tête de Jolana P. s’inclina plus insensiblement encore. Ses lèvres pleines se plissèrent en une moue d’enfant contrariée. Au fond de ses prunelles se reflétait toujours ce que voyait son patient : une paire d’ailes écarlates qui s’ouvrait démesurément, comme pour absorber la terre tout entière.

Inutile de l’interroger, les mots n’avaient pas d’utilité ; la connexion établie d’un cerveau à l’autre suffisait à enclore cette conscience en train de lui livrer ses audaces. L’homme était dangereux, un cas qui s’obstinait à penser un ailleurs interdit, révolu. Le processus de répanouissement ne fonctionnait pas.

I.T réfractaire. Sujet en phase 3. Phase terminale.

Impasse.

– Nous en avons terminé pour aujourd’hui, Icare.

Au son de la voix de son éthicienne, l’homme battit paresseusement des paupières. Un éclat d’obsidienne se mit à luire sous les sourcils bombés, le visage se crispa fugacement avant de se relâcher pour ne plus afficher qu’indifférence. Le visage d’Icare était parfaitement ciselé sous le casque de cheveux ébouriffés. Il s’en dégageait un mélange de délicatesse et de vigueur éminemment séduisant. C’était un visage lissé par le temps qui filait et ne comptait pas.

L’homme paraissait encore jeune, nettement plus jeune qu’il ne l’était en vérité et c’était bien à cause de cette jeunesse désespérante qu’il se retrouvait depuis neuf jours sous la coupe de la B+ Jolana P.

Celle-ci ôta de son crâne l’Extension qui reliait son néocortex à celui de son sujet et la posa sur une console d’un blanc laiteux. Icare cloua son regard à cette puce noire dont le double s’imbriquait toujours dans la masse de ses cheveux couleur de bière. Elle semblait à présent étrangement anecdotique et pourtant…

Un œil… L’œil de Dieu ! N’est-ce pas ainsi que nos ancêtres l’auraient appelée ?! Dieu, qui voit tout. P. voit tout de moi. Elle sait combien mon amertume est grande. Elle sait qu’elle ne la guérira pas.

Icare eut une brusque nausée et l’envie de nouveau, soudaine, éperdue, d’en finir.

Mourir enfin…

Mais une fois encore son corps le défia. Sous l’action instantanée des nanorobots qui patrouillaient au sein de son métabolisme, le sursaut d’angoisse se dissipa. Le regard de l’homme vira de bord pour se reporter sur l’éthicienne. Elle lisait en lui son aspiration, ce sentiment d’être piégé à l’intérieur de son éternité.

Ils n’étaient pas éternels, manqua-t-elle lui signifier, mais elle n’avait pas droit à de telles assertions. Leur civilisation n’avait-elle pas réussi à faire plier la Vie elle-même ?! À quel mensonge se serait-elle prêté si elle lui avait déclaré que leur longévité n’était pas essentielle à leur évolution ?!

La B+ Jolana P. retint les mots qui lui venaient aux lèvres. Jamais aucun patient n’avait fait osciller ses certitudes, mieux valait en terminer avec celui-ci, et vite.

– J’ai demandé à ce que votre dossier soit réenvisagé à la réunion de ce soir avec le comité.

L’éthicienne se dirigea vers l’embrasure de la porte coulissante. Le timbre de sa voix se fit plus traînant, vaguement sentencieux au moment d’ajouter :

– Notre décision vous sera rendue demain, nous ferons en sorte de ne pas oublier quelle bienveillance régit notre nation…

Un témoin électronique s’alluma, la porte coulissa sur ses rails, la silhouette de la praticienne disparut furtivement dans le couloir puis la porte se referma derrière elle en silence. Tout le bâtiment crachait le même silence somnolent. Icare ne bougea pas du fauteuil. Depuis neuf jours, il n’était pas sorti de cette chambre – cellule, n’avait croisé aucun autre inhibé, rencontré aucun autre spécialiste du Centre. Depuis neuf jours, Icare n’avait plus de communication avec l’extérieur – même son capteur personnel lui avait été enlevé. Son univers s’était rétréci à une pièce de quatre mètres sur cinq que lustrait chaque matin un robot volant autonome sorti de sa ruche high-tech. Depuis son placement au Centre de Répanouissement, Icare n’avait eu d’autre interlocuteur que Jolana P.

L’éthicienne (troisième échelon, B+, dans la hiérarchie des ingénieurs moraux assermentés pour ce type de névrose) s’évertuait à décortiquer ses projections, à labourer son dégoût de ce qu’il était, de ce qu’ils étaient tous sur le Continent intérieur. Et au-delà de celui-ci, qu’en était-il ?

Comme la vie lui pesait ! Un néant terrestre qui les muselait tous en ce Grand Pays. Il avait voulu s’évader, déserter cette existence où il demeurait figé en lui-même.

La grande désobéissance…

La belle humilité…

Il avait misé.

Il avait perdu.

 

*

 

Tout perdu, c’est ce qu’il avait cru sur le moment quand ils étaient venus l’appréhender dans ce qui aurait dû être son tombeau. C’était une erreur.

Icare s’obstinait à ne pas se lever du fauteuil, focalisé sur une unique pensée : tout allait prendre sens enfin. Quel terme désuet ! Donner du sens, un but à ce qui n’en avait pas eu…

Icare n’en doutait plus à présent, il n’aurait plus à se battre demain contre ce qu’il était. Demain lui serait concédée sa lassitude, les membres du comité courberaient l’échine devant ces ailes immenses et écarlates qu’il voyait en rêve. N’était-ce pas ce qu’ils avaient de plus sensé à faire ?!

Dans la chambre, une unique fenêtre ouvrait sur l’extérieur. Sa plaque de verre irisé s’oubliait sur un horizon peuplé de hauts arbres. Icare resta longtemps le regard rivé à la cime de leur feuillage jusqu’à ce que l’ombre des végétaux s’allongeât dans un poudroiement d’ocre.

Quand la pièce se ressentit des effets du crépuscule, il commanda à haute voix la mise en marche d’un programme nature. Autour de lui, les cloisons tapissées d’écrans souples se transformèrent en écheveaux de cascades et d’herbe folle, de landes arasées, de plaines sauvages étirées au pied de montagnes jurant sur l’azur. C’était tout juste si Icare ne sentait pas le vent couler à longs traits glacés dans sa gorge. Il eut un léger rire, soyeux, élégant, et qui parut ne pas finir.

Quelques heures encore et ces paysages artificiels l’emporteraient vers sa mort. Une poignée d’heures encore et le couperet tomberait sur son horloge biologique, il en était sûr cette fois.

 

Moi, EVA BRAUN…

Elle s’appelait Eva Braun. La veille de son suicide, le 30 avril 1945,
elle épousa l’homme pour lequel elle avait tout sacrifié et devint
alors, pour quelques heures, Eva Hitler. Ce récit, écrit à la première
personne, dévoile cette incroyable destinée, inextricablement
liée à celle d’Adolf Hitler, le « Sauveur » de l’Allemagne, l’un des
personnages les plus sinistres de l’Histoire de l’humanité. Au fil des
mots, Eva se livre en toute spontanéité. Témoin privilégiée de ces
folles années de l’entre-deux-guerres, la « maîtresse maudite »
du IIIe Reich nous entraîne de son enfance aux derniers jours de
la Seconde Guerre mondiale, sans renier cet amour que l’on suit
comme un fil rouge.
« Cette histoire est la nôtre, Adolf. »

J’ai la chance que François Delpla, l’historien français spécialiste d’Hitler, ait suffisamment apprécié mon roman pour le préfacer. 🙂 Un petit plus pour mon livre qui m’a fait bien plaisir.

 

Chroniques parues sur mon roman…

Mélanie Courtemanche-Dancause, collaboratrice à l’Incorrect :

« Je me suis plongée dans le roman historique sulfureux de Chloé Dubreuil publié chez Lemme Edit. Écrit sous la forme d’un journal intime adressé à son mari monstrueux dans les derniers jours précédant leur suicide, cet ouvrage fait polémique en posant la question essentielle : pouvons-nous, aujourd’hui, raconter l’histoire d’amour d’Eva Braun et Hitler ?
Alliant le travail d’un chercheur aux talents d’un littéraire, Chloé Dubreuil répond par un tour de force qui ne manquera pas de déstabiliser plus d’un lecteur. Pour que celui-ci se permette d’entrer dans l’esprit et l’univers de l’épouse du Führer, il doit d’abord oublier « le réflexe pavlovien, qui depuis 1945 incite à réprouver, en tout effort pour comprendre les nazis, une tentative ‘d’humaniser le mal’ » (je cite François Delpla, docteur en histoire et qui signe la préface de cet ouvrage).
👉 Et bien sûr, comme disait Hannah Arendt, comprendre n’est pas pardonner.
En lisant ce roman, je réfléchissais continuellement à Arendt et son concept de la banalité du mal. Lorsqu’elle se rend à Jérusalem en 1961-1962 pour témoigner du procès d’Adolf Eichmann, elle cherche à comprendre de quelle manière ce bureaucrate ordinaire, voire médiocre, ait pu commettre les crimes dont il était coupable. Elle se rend compte, non sans scandaliser, qu’Eichmann a fait le Mal sans réelle méchanceté, dans un parfait esprit de petit fonctionnaire, devenu un rouage plutôt qu’un personnage diabolique. Incapable de penser, il serait devenu incapable de former des jugements moraux. Elle conclue que le Mal suprême est perpétré par des êtres insignifiants, ainsi se banalise-t-il et contamine-t-il toute une société.
Parallèlement, le roman pose la question : « Comment une jeune fille joyeuse, délurée et superficielle a-t-elle pu apprécier la compagnie d’un homme politique ennuyeux et monstrueux, au point de l’accompagner dans le suicide ? »
La réponse est la même.
Nous avons affaire à une femme terriblement médiocre : qui n’a d’autre ambition que celle d’une starlette bourgeoise et qui n’a d’autre échappatoire que la frivolité et le narcissisme. Elle voulait une vie exceptionnelle, qui ressemblât à celles des vedettes de cinéma. Elle écrit dans son journal : « Au pire, j’aurais pu être un pion qu’on utilise. Je ne le voulais pas ». Elle cherchait à maîtriser son existence et échapper à la banalité, mais au final — prise dans le tourbillon d’un amour totalitaire qui la transforme en « objet quasiment hygiénique », qui lui arrache toute autonomie de la pensée —, ne fait que subir à la fois la vie et la banalité. Elle crut devenir célèbre de son vivant, elle demeurât une insignifiante, tout comme Eichmann.
Pour autant, il ne faudrait pas lui coller l’étiquette d’une femme piégée par le paternalisme de son amoureux : à une époque où on tend à angéliser la femme, qu’on la déresponsabilise de ses actes sous couvert de victimisation sous le poids d’un patriarcat fasciste, Chloe Dubreuil nous dépeint un personnage féminin qui surprend par sa volonté, à défaut d’être animée par des convictions : « Le loup s’était déguisé ; de mon plein gré, je me suis faite sa proie. »
S’agit-il pour autant de romancer l’expérience nazie ? Non. L’écrivaine a-t-elle le droit de l’humaniser ? Oui, et j’ajouterais même qu’elle en avait le devoir. Chloé Dubreuil nous rappelle que le Mal n’est pas extérieur ou étranger à l’Homme, il est toujours issu de lui. De même, elle empêche qu’on attribue à Hitler et ses complices une grandeur intouchable, ne serait-ce qu’une grandeur satanique. Dans sa correspondance avec Karl Jaspers, Hannah Arendt nous confie : « toutes les tentatives visant à mythifier l’horreur doivent être combattues et tant que je ne me sortirai pas de telle formulations, je n’aurai pas compris ce qui s’est réellement passé. »
En dehors des livres d’histoire, le roman de Chloé Dubreuil est sans doute une des meilleures tentatives actuelles de compréhension, et nous n’avons certainement pas fini de comprendre. »
Le boudoir du livre :

« Quand j’ai vu la couverture si graphique, sobre et élégante, mystérieuse et envoûtante d’un roman sur l’histoire d’Eva Braun, je n’ai pas pu résister à l’envie de le lire et je n’ai pas été déçue bien au contraire. Je trouve dommage qu’il n’est pas bénéficié d’une belle mise en avant chez les libraires… Heureusement que ce livre bénéficie d’une mise en lumière via les réseaux sociaux.

C’est la première fois que je lis une histoire à la première personne où l’auteur se met dans la peau d’Eva Braun, ce qu’elle a vu, ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a enduré pour passer de l’ombre à la lumière non comme ces artistes qui ne rêvent que de gloire mais comme la seule, l’unique, l’irremplaçable… femme d’Hitler, la personne la plus proche de celui qui a conduit aux pires horreurs de la Seconde Guerre mondiale… Une femme de l’ombre parmi tant d’autres, maîtresse puis épouse d’Adolf Hitler le temps de quelques heures… Mais qui a su marquer l’histoire en marche de par son amour indéfectible avec l’un des dictateur, responsable du génocide de tout un peuple.

C’est très particulier et troublant de comprendre une femme qui reste une énigme, comment être l’intime d’un dictateur, comment peut-on aller jusqu’à l’épouser… Cela paraît inimaginable et pourtant Eva l’a fait. L’aspect psychologique d’Eva, sa personnalité… sont intéressants, son enfance, son désir d’indépendance, ses objectifs, ses rêves, sa force pour gravir les échelons jusqu’à devenir ce qu’elle a voulu.

Comment a-t-elle pu aimer une personne qui en plus d’avoir l’âge de son père a mis en place tout un projet machiavélique et inhumain ? La réponse est peut-être dans son enfance stricte, dans son besoin de se sentir aimé, d’être indispensable, importante…

Récit à la première personne sur Eva Braun, réminiscence de sa vie tel le journal intime qu’elle aurait pu écrire, témoignage précieux de celle qui a été la plus proche d’Hitler, lui offrant corps et âme jusqu’à le suivre dans la mort. Une lecture fascinante, très instructive, très troublante… Au point que le lecteur a l’impression de lire le journal intime d’Eva Braun écrit de sa main. »

 

Promenades culturelles:

« Vous me connaissez, je suis passionnée par la littérature et l’Histoire. Et par rapport à cette dernière, j’aime me documenter sur toutes les périodes ou presque, sur tous les grands personnages, sympathiques ou sulfureux. Connaître pour mieux comprendre, connaître pour pouvoir en parler, tel est mon credo.

Chloé Dubreuil touche ici à deux personnages dont l’évocation reste difficile tant ils ont marqué l’Histoire : Eva Braun, d’un côté et, par son intermédiaire, Hitler. Je me suis toujours demandé comment elle avait pu l’épouser, surtout connaissant le contexte… et j’en avais déduit qu’elle devait être comme lui. Oui, je sais, c’est assez précipité comme avis ! Mais avouez que pour se lier à un tel personnage, il faut quand même avoir des convictions, du sang-froid et des neurones en moins. Ceci dit, en lisant ce roman, je me suis aperçue qu’il y avait autre chose. L’amour a véritablement été son moteur. Elle s’est entichée de ce petit bonhomme charismatique au point de tout accepter, de tout subir. Qu’on ne s’y méprenne pas, le livre ne la fait pas passer pour une victime non plus. Elle a pleinement conscience de ce qu’elle fait. Elle raconte ceci avec la même froideur que ce qu’aura été son parcours. On découvre, par son biais, comment se comportait son amant.

J’ai aimé la façon dont Chloé Dubreuil nous présente les choses. Se mettre dans la peau d’Eva Braun n’a pas dû être évident. Je suis toujours friande des autobiographies romancées qui nous font entrer ainsi dans la vie de ces personnalités beaucoup plus facilement qu’un livre d’Histoire. Et, bien que le personnage soit rebutant au premier abord, j’ai dévoré ce roman ! »

 

Guerres et conflits :

« On ne connait que fort mal Eva Braun, qui croise la route d’Adolf Hitler en 1929 (le père d’Eva parle à l’époque du « clochard autrichien »…) et qui devient madame Hitler quelques heures avant de se suicider dans les ruines de la chancellerie du Reich en avril 1945. Ce livre, « reconstitution » de son journal intime, nous la présente au plus près du Führer, et donc au coeur du système national-socialiste.

Il ne s’agit donc pas stricto sensu d’un livre de recherche historique, mais comme le précise François Delpla dans sa préface, « Chloé Dubreuil, assimilant toute la documentation disponible et les plus consciencieux ouvrages d’histoire ou de fiction, se glisse dans le corps et l’esprit d’Eva Braun et lui prête des pensées invérifiables -l’essentiel de son journal et de sa correspondance ayant disparu- mais, le plus souvent, tout à fait vraisemblables ». Elle écrit donc « je » pour Eva et « tu » pour Adolf. Au fil des pages (passons sur les relations sexuelles entre les deux partenaires), elle aborde leur vie quotidienne (« Je me disais que nous aurions des enfants plus tard ») et nous croisons ainsi les grands dignitaires du parti et du régime (Goebbels, Bormann, Göring, Hess, Ribbentrop, Baldur von Schirach, etc.), mais aussi les artistes de l’époque (Greta Garbo, Breker, Leni Riefenstahl, etc.) et elle nous les présente dans un cadre presque familial, sous un jour qui n’est pas nécessairement celui des projecteurs et de la propagande. On a ainsi une vue qui semble assez réaliste par exemple des nombreux séjours au Berghof, le nid d’aigle des Alpes bavaroises, « avec ses trente pièces sur trois étages ». Le lecteur assiste aussi à la présentation par Speer des maquettes de la future capitale du Reich millénaire (avec son arc de triomphe « plus imposant que celui de Paris »), et y apprend que les dessins animés de Walt Disney comptent « parmi les oeuvres préférées » d’Hitler. Et après le début de la guerre, alors que les armées les plus formidables de l’histoire s’affrontent : « Il était tout à fait clair dans ma tête que j’allais vivre dorénavant comme si chaque jour était le dernier ». Avec cette phrase, qui marque la distinction entre l’Adolf privé et le Hitler public : « Pour le personnel du Berghof et de la chancellerie, tu étais un bon patron »

Un livre étonnant, où la guerre est indirectement présente, lointaine. Où la réalité du régime nazi s’estompe derrière un quotidien privé souvent banal. Où, comme l’écrit François Delpla : « Pour rendre justice à ce travail littéraire, la critique devra surmonter un réflexe pavlovien, qui depuis 1945 incite à réprouver, en tout effort pour comprendre les nazis, une tentative d’humaniser le mal ». Or, « si l’on osait cette hypothèse, la concentration du blâme sur ses actes criminels n’en serait que plus accusatrice ».

Les clionautes (Claudine Garcia) :

Ce roman prend la forme d’une autobiographie qu’aurait rédigée Eva Braun peu avant son suicide avec Hitler. Elle y raconte son histoire depuis leur rencontre en 1929 alors qu’elle a 17 ans jusqu’à leur mariage la veille de leur suicide commun, le 30 Avril 1945.

On peut donc retracer toute l’histoire d’Hitler et du nazisme, à travers les yeux de cette jeune femme qui assume à maintes reprises ne pas saisir tous les enjeux de ce qu’elle entend et vit. Cela confère à ce récit un point de vue original, qui confine à la superficialité. Après les peines de coeur d’Eva qui n’arrive pas à accepter de ne pas être la préférée d’Adolf, au point de se suicider par chantage (plutôt réussi), s’ensuivent ses préocuppations cinématographiques, sportives ou ses recherches vestimentaires pour briller lors des réceptions des hauts dignitaires nazis, avec un luxe de détails assez étouffant.

Son admiration pour le grand homme est sans borne, malgré les réticences notamment de sa famille, et le peu de considération qu’il lui témoigne, la plupart du temps. Elle s’accroche à lui et on ne sait trop qui est le faire-valoir de l’autre.  J’ignore si cette représentation est conforme à ce que fut Eva Braun, et il est probablement difficile de trancher au vu du manque de sources, mais l’image qu’en donne Chloé Dubreuil est celle d’une femme superficielle, qui accepte tout par amour (on aurait pu trouver l’opportunisme intéressant ; il aurait peut-être induit un peu de recul critique).

Revivre toute l’histoire nazie à travers un regard de femme-objet heureuse de l’être est doublement pénible, à mon sens. Mais, si vous recherchez un regard original et précis sur le Reich vu de l’intérieur, vous pourrez trouver votre bonheur dans ce recit. A condition peut-être de pouvoir souscrire à ces mots de la fin, dernières pensées supposées d’Eva :

« Où est le bien, où est le mal ? Nous ne sommes jamais posé la question. »

 

Histoire de France – Histoire du monde (Jérémy Huriaux)

« Ce roman historique vous plongera au coeur de la vie d’Eva Braun et, par conséquent, au cœur du Troisième Reich.

Son enfance, son adolescence, sa rencontre avec Adolf Hitler, son amour et sa mort pour lui.  Eva Braun vous raconte tout. Vous aurez l’impression d’être au côté de la maîtresse du dictateur nazi durant  toutes les étapes de sa vie.

Vous allez, également, en apprendre plus sur Hitler et les hauts dignitaires du régime. C’est d’ailleurs là le point fort de ce livre, il ne vous fera pas passer à côté des évènements de l’Allemagne durant ce second conflit mondial.

Pour le plaisir de dévorer un roman historique et pour mieux comprendre l’Histoire, c’est le livre qu’il vous faut lire !  »

 

Hellobook :

« Quel livre intéressant !
On sait tous qui est Eva Braun, qui deviendra la première dame du IIIème Reich. Il s’agit de l’histoire romancée d’Eva BRAUN, écrit à la première personne ce qui est très perturbant, car elle ne s’adresse pas à nous lecteur mais à Adolf. Ce qui est également perturbant, c’est que le récit est tellement réaliste ! C’est impressionnant.

En effet, l’auteure s’est beaucoup documentée, cela se ressent beaucoup sans que le récit ne devienne lourd du fait de multiples informations. Eva nous raconte ses souvenirs de vie, sans entrer dans la politique d’Hitler, et je trouve que c’est dur de s’imaginer comment elle a pu se marier avec lui en connaissance de cause. Je trouve que ce livre est « bien » pour ça, car on peut plus ou de comprendre tout en gardant à l’esprit que ce n’est pas forcément la réalité, mais une solution tout à fait plausible.

Eva Braun nous apparaît vraiment comme une femme froide sans empathie ou toute autre personne qu’Hitler. Mais parallèlement à ça, nous allons découvrir une femme au cœur sensible et très amoureuse.

Chloé DUBREUIL nous livre ici un récit exceptionnel, mêlant justement la réalité de la fiction rendant le récit fluide, complet et réaliste. De plus, elle y insère des émotions et comme le récit est à la première personne, cela n’a pas dû être simple à écrire alors bravo !

Si vous aimez l’Histoire, je vous conseille cette lecture. »

 

EXTRAIT

Souviens-toi…

 

Moi, Éva Hitler, née Braun, confie à ma seule conscience, à ma seule mémoire le récit qui va suivre. Je ne souhaite pas passer à la postérité, juste faire perdurer encore un peu avant de disparaître une existence qui m’a vu côtoyer au plus près de son intimité celui dont l’empreinte a déjà si fortement marqué l’Histoire. Celui que j’ai aimé, admiré. Celui qui m’a subjuguée, transformée et qui demeurera à mes yeux le plus grand homme d’Allemagne.

Cette histoire est la nôtre, Adolf.

 

*

 

30 avril 1945.

Berlin.

En ce matin du dernier jour, les aides de camp et ordonnances me bégaient un Fräulein incertain. Leur hésitation ne me surprend pas, nos noces ne sont-elles pas toutes récentes encore ? Je leur dis : – Vous pouvez m’appeler Frau Hitler. Et je souris, d’un sourire tendre. Je n’ai plus de craintes, plus de doutes. Tout sera prochainement fini, ce choix-là est le nôtre. Schopenhauer suggère dans ses livres que la vie n’est pas digne d’être vécue quand elle ne réserve plus que des désillusions et des misères. Je crois que je comprends maintenant pourquoi tu as fait tiens ses mots. 

Je n’ai pas peur. Tout est dit.

En ce matin du 30 avril 1945, le printemps semble fait de brume et de flammes. Une grisaille tachée de sang s’étend sur ce qui reste de notre capitale. Finalement, Berlin ne sera jamais rebaptisée du nom de Germania[1]… L’odeur abjecte dégagée par les morts que plus personne n’ensevelit stagne au ras des décombres. Précédés par leurs obus, les tanks arrivent.

Je demeure un long temps enfermée dans mon cabinet de toilettes. Entre ces murs de béton armé, le silence est tombé. Il ne dure jamais longtemps, les pilonnages sont quasi incessants maintenant ; ils ont fait de nous des spectres qui ne cessent d’errer dans ce trou à rats immonde et puant qu’est le bunker. Mes mains ne tremblent pas lorsqu’il faut me préparer. Je revêts ta robe préférée : la noire, brodée de roses dans le décolleté. Mes cheveux ont le soyeux que tu apprécies ; ma bonne, Liesl, les coiffe élégamment, le côté droit retenu par une barrette, les mèches ondulées en de légères vagues. On en a parlé, reparlé, tu le sais : peu m’importe que le vent emporte ensuite mes cendres, j’ai bien l’intention d’être un beau cadavre.

Un peu plus tard dans la matinée, j’invite dans ma chambre Traudl Junge. Nous discutons de tout et de rien pour nous distraire, la distraire. Je vois bien comme ta secrétaire est déstabilisée par cette fin que nous nous sommes choisie. Mais somme toute, n’est-ce pas normal ? Pour elle, la vie va devoir se poursuivre sans toi.

Dans le bunker, ma chambre est petite, sombre, mal aérée ; les meubles qu’Albert Speer m’a conçus et que j’ai tenu à déménager de mes appartements de la chancellerie tiennent trop de place. Ils ont beau faire de ma chambre la plus confortable de toutes et la tapisserie florale de mon canapé apporter à l’ensemble une note de fraîcheur, j’ai toujours eu l’impression d’étouffer entre ces parois qui suintent l’humidité et grondent du bruit de la ventilation. Le bunker est notre tombeau. Je crois qu’au fond de moi, malgré tous les élans d’optimisme dont j’ai pu faire montre, cet entrain que je me suis acharnée à manifester, malgré mon obsession à être toujours la même, à vivre toujours pareillement, le bunker a signé notre fin dès que je t’y ai rejoint.

Alors, un instant, dans ma chambre, en cette dernière journée, je manque abdiquer, partir, te laisser pour avoir une chance de survivre à mes trente-trois ans. Trente-trois, l’âge du Christ. Te rends-tu compte ?! Dès les premiers temps de notre relation, j’ai eu le pressentiment que nous ne vieillirions pas ensemble, que tu mourrais auréolé de gloire comme Lui. Je l’ai écrit noir sur blanc dans mon journal : même si elle m’a toujours rattrapée, je ne voulais pas m’intéresser à la politique ; elle est une affaire d’hommes, d’hommes et d’initiés ; c’est ainsi que j’ai été élevée. Je m’intéressais seulement à toi et toi seul. Non, faux, à nous. À nous et seulement nous. Aujourd’hui, je me sacrifie pour l’amour de toi, comme le Christ s’est sacrifié pour l’amour des hommes. Les hommes… Tu aurais pu les rendre purs de toute souillure ; ils t’ont abandonné quand d’autres te maudissent. Je ne vieillirai pas parmi eux. D’ailleurs, que serais-je sans toi ?

Ma défaillance n’est qu’éphémère. Lorsque mon regard se pose sur ton portrait, la volonté me revient brusquement. Le bleu de tes yeux… Il m’a toujours envoûtée. Bohnenberger a si bien su les peindre sur ce tableau : on dirait qu’ils retiennent un coin du ciel. Ils me lorgnent, me rappellent à moi.

J’effleure du doigt mes initiales enluminées d’un trèfle à quatre feuilles qui marquent mon armoire. Me voilà maintenant étreinte par la mélancolie. Ce monogramme, je l’ai choisi pour symboliser la chance inouïe qui m’a favorisée. J’avais demandé à Albert de me le dessiner avant de le faire graver et broder partout. Absolument partout. Sur mes meubles, sur mes bijoux, ma vaisselle, mes vêtements. Mes brosses, mes peignes aussi.

N’est-ce pas ainsi qu’agissent les femmes à qui il est donné de tout posséder ?

Je secoue brièvement la tête, refoule la pointe d’amertume qui se faufile en moi et ouvre l’armoire. Mon geste est assuré. À l’intérieur est suspendu mon manteau en renard argenté. Je me tourne vers ta secrétaire pour le lui offrir. – J’ai toujours aimé avoir des dames bien habillées autour de moi, maintenant c’est à vous de l’avoir et de vous en réjouir. Ma voix a semblé flotter sur une note unique. L’émotion que je vois s’afficher sur le visage de Traudl Junge manque bien vaincre une nouvelle fois ma résolution, mais je veux être forte pour notre Führer.

À présent, les bombes pourront bien anéantir Berlin, l’Allemagne est morte, je suis morte. Tu es mort. Et avec toi, c’est tout un monde qui s’éteint.

Me suis-je fourvoyée ? Aurais-je dû écouter les voix qui s’effrayaient de ta puissance ? Aurais-je dû m’élever contre cet amour si entier, si grisant qui me liait à toi ? Non, ces questions-là, je ne me les pose plus. Cet amour m’est tout. Et jamais, même en cet enfer qui est dorénavant le nôtre, je ne le trahirai.

 

Tout sera donc bientôt terminé. Tu vois, ma loyauté est absolue.

Goebbels, Axmann, Bormann, Kempka, Hewel, Kreps, Burgdorf, Günsche, Linge ; eux aussi te demeureront loyaux jusqu’au bout. De l’essence sera versée sur nos corps, le brasier sera si ardent !

Les tirs grondent et claquent sans interruption, les bolcheviks sont aux portes de la chancellerie. Notre patrie est défaite, le peuple est exsangue et cependant, j’en suis sûre, il va te pleurer. Ne lui as-tu pas redonné la fierté d’être allemand ? Nos ennemis auront beau se démener, notre pays ne t’oubliera pas.

Tout était si incertain pourtant au début. Te souviens-tu ?

Tu m’as conquise, comme tu as conquis notre nation. Il y avait quelque chose en toi contre lequel on ne pouvait pas lutter. Une sorte de déferlante qui nous a tous submergés.

 

 

[1] Le nom qu’aurait eu Berlin lorsqu’elle serait devenue la capitale du nouvel empire nazi.

L’insoumise


An de grâce 1348.

La guerre de Succession déchire la Bretagne et oppose le roi de France au monarque d’Angleterre. Le fléau de Dieu, cette Peste Noire qui décimera l’Europe, s’apprête à déferler. Maeve est née fille du vent, soumise à sa seule liberté, mais en ces temps chahutés par les hommes et la Providence, il ne fait pas bon s’affirmer au détriment des lois et de la religion.

Thibault De Quimerc’h, bâtard d’un seigneur breton, nommé lieutenant du bailli, reniera tout ce en quoi il croyait, tout ce devant quoi il s’était incliné par obsession de celle qu’il va devoir pourchasser.

De l’île de Sein à Paris, de Quimper à Rouen jusqu’aux confins d’un territoire que les vikings avaient nommé Vinland, le « pays des pâturages », dans l’actuel Canada, la fuite de Maeve la portera à quêter la paix et l’oubli de ses semblables. Mais quand l’amour cherche à vous confondre, il peut bouleverser bien des destinées…

“La lune était d’un bleu glacé, à ras d’écueils, comme emprise dans le givre des rochers. La sorceresse l’avait invoquée et la lune était venue, si bien venue que les habitants de l’île ne savaient plus s’ils étaient en train de tomber dans son giron ou si c’était elle qui fondait sur eux.”

L’insoumise est une grande fresque aventureuse, de ces romans qui font renaître sous nos yeux un monde oublié, malmené par la superstition, la trahison et la mort. Mais aussi par la la force de vie et la passion qui régissent ses personnages.

 

Chronique Promenades culturelles2

« Forcément, en lisant la quatrième de couverture, je ne pouvais que me frotter les mains, m’installer dans mon fauteuil préféré et oublier tout ce qu’il y avait autour de moi ! Et c’est bien, par ailleurs, ce qu’il s’est passé pendant ces heures de lecture ô combien agréables ! J’ai fait un bond dans le temps, j’ai voyagé, je me suis enrichie culturellement… Le tout en n’ayant pas bougé, si ce n’est mon index qui tournait les pages.

Je suis profondément admirative de l’écriture de Chloé Dubreuil. Elle arrive à m’embarquer, quel que soit le thème, dans l’histoire qu’elle traite et j’adore lorsque cela se conjugue avec la grande Histoire. Sa plume est alerte, on a toujours envie de savoir ce qu’il y aura sur l’autre page. En voyant l’heure tourner, je me disais à chaque fois : « Encore un peu ! », redoutant le moment où il faudrait laisser Maeve vaquer à ses occupations pour retourner moi-même à mon quotidien.

Bref, je pense que vous l’aurez compris : j’ai adoré ce livre ! »

Chronique Le boudoir du livre:

« Après avoir découvert Chloé Dubreuil avec « Moi, Eva Braun », je suis ravie de découvrir son autre roman « L’insoumise » qui va m’entraîner sur les traces de l’Inquisition et de la Peste Noire mais aussi des croyances et des hérésies. J’adore le style d’écriture de l’auteur qui m’emporte avec délices dans l’histoire. Le Moyen-Age n’est pas ma période de prédilection mais j’adore découvrir l’histoire surtout quand c’est à travers des romans bien écrit fourmillants d’informations historiques.

Je pensais que ma lecture allait durer plus longtemps quand j’ai vu la police d’écriture si petite hors il n’en fut rien vu que les chapitres sont courts et l’histoire intense. Un petit bijou d’histoire !

Une histoire qui se met lentement en place, peut-être un peu trop… A presque la fin de l’histoire, j’attends toujours la rencontre de Maeve et Thibault. Malgré cela, le style de l’auteur, les descriptions et le contexte historique font qu’on tourne les pages avec avidité pour en savoir plus sur cette période sombre de l’histoire de France. On a plaisir à suivre l’exode de Maeve et la recherche de celle-ci par Thibault, on espère qu’ils finiront par se rencontrer, s’expliquer et peut-être s’aimer…

Les sujets sont nombreux : la Peste Noire, la misère, la famine, les croyances, l’Inquisition, l’hérésie, les viols, le statut de la femme, les séismes…

On prend plaisir à découvrir cette période de l’histoire, on se laisse bercer par les mots de l’auteur qui savent si bien retranscrire l’histoire de France aux lecteurs.

Un second roman, plein de promesses qui nous fait découvrir ou redécouvrir l’histoire de la France ! »

Chronique Hellobook

« Très belle découverte pour ce roman !

Je n’ai pas l’habitude de lire des romans historiques, et malgré la difficulté que j’ai pu rencontrer, j’ai énormément aimé.

Nous allons suivre Maeve et Thibault en 1348, ce qui fait que nous avons un récit où l’on peut facilement s’immerger dedans. Le vocabulaire est d’époque, j’ai appris beaucoup de mots grâce à ce roman. De plus, Chloé DUBREUIL décrit tellement bien cette époque. On se rend bien compte qu’il y a un énorme travail qui a été fourni et ce n’est qu’un bonheur à lire.

De plus, à travers son récit, elle dénonce de nombreuses choses actuelles. Un d’entre eux m’a marqué : le viol ! Et je trouve ça important, car il ne s’agit pas seulement d’un récit pour divertir, mais aussi pour sensibiliser sur certaines choses.

J’ai beaucoup aimé suivre Maeve, c’est une femme très attachante. Quant à Thibault, au début, j’ai eu du mal à m’attacher à lui, mais plus le récit passe et plus il se révèle. J’ai aimé sa sincérité. De plus, j’ai senti un changement dans le récit. Lorsque c’est Maeve au centre, le récit est plus descriptif, plus doux et quand c’est Thibault, c’est plus rythmé. Je trouve ça vraiment chouette.

Même s’il y avait de nombreux mots que je ne connaissais pas, cela ne m’a pas gêné puisque l’auteure rend fluide le récit et les évènements. Il y a aussi du suspens jusqu’à la fin ! Et j’ai adoré la fin, c’est ce que j’attendais 🙂

Si vous aimez les romans historiques ou que vous souhaitez découvrir ce genre, je vous conseille ce roman ! »

 

Début du roman:

 Ils viennent… Île de Sayn13 février de l’an de grâce 1348 La lune était d’un bleu glacé, à ras d’écueils, comme emprise dans le givre des rochers. La sorceresse l’avait invoquée et la lune était venue, si bien venue que les habitants de l’île ne savaient plus s’ils étaient en train de tomber dans son giron ou si c’était elle qui fondait sur eux. L’astre nocturne affolait, terrifiait et pourtant chacun, en cette nuit d’Imbolc, se vouait à sa puissance. Un vent du nord-ouest faisait osciller les falots suspendus aux cornes de quatre vaches aux flancs maigres. En leur centre, les hommes et les femmes dansaient, s’effleuraient pour mieux se repousser, bouche muette, corps arqué, le regard portant loin au bas du tumulus, sur l’océan déchaîné. Et tous s’épuisaient dans cette Ronde de la Mer qui célébrait les Esprits des Eaux, sanctifiait la manne que la tempête ne manquerait pas d’apporter. Quel navire allait se drosser contre les récifs ? Cette nuit était celle de la lumière, de la purification, de la fertilité ; elle serait celle aussi de l’Ankou, serviteur de la Mort. Vie et mort ne feraient plus qu’une. L’éclat de la lune s’intensifia, elle allait avaler l’île et la mer. Les embruns fouettaient les visages, des remparts ruisselant d’eau se dressaient autour des granits, le raz bouillonnait. L’odeur âcre du varech crevait les cœurs. Les volutes du noroît faisaient claquer les manteaux de grosse bure. Tout n’était plus que furie à une lieue de l’ancien tertre druidique. La vieille Katell repoussa d’une main décharnée la capuche de sa pèlerine ; sa face apparut, creusée d’orbites aux iris du même bleu glacé que l’astre de la nuit. Sous la peau amincie se devinait le dessin des os frileux. Elle était la veuve dite Bandrui, la femme-forte qui appartenait au monde caché, celle dont on se méfiait, mais qu’on vénérait aussi, celle qui pouvait vous jeter un sort si vous lui mentiez ou la trompiez. Celle qui lisait les songes, avait le pouvoir de vous rendre invulnérable, d’évoquer les trépassés. La sorceresse de l’île-des-Sept-Sommeils : Katell la Sage. — Ils viennent ! Son regard dardait les ténèbres océanes, ses bras convulsaient dans la lueur des lanternes. La Ronde s’accéléra, hallucinée. Au clocher du prieuré une volée de cloches sonna lugubrement les matines : la mi-nuit était entamée. — Ils viennent, croassa une nouvelle fois Katell en se figeant soudain. Ses doigts tannés, tavelés, à la peau si fine qu’y transparaissait le réseau des veines, s’agrippèrent violemment à la manche d’une donzelle. Le front cerné d’une couronne d’ajoncs, cette dernière tournoyait, bondissait à l’entour de la vieille femme. Sa fièvre de bacchante empourprait ses pommettes. Une courtepointe de cheveux interminables serpentait entre ses seins sur la cotte nonchalamment lacée, caressait la courbe de ses reins à travers la brune futaine avant de se lover autour de son cou dénudé. Elle avait la beauté sauvage de son île, une blondeur ambrée. Il se dessinait en elle le creuset de toutes les âpretés, de toutes les voluptés. Elle était Maeve, elle était l’ivresse, parce que c’était cela que signifiait son nom. Maeve se figea immédiatement au contact de la main sur sa manche. L’ombre d’un albatros fendit le ciel au-dessus des deux femmes pour venir se poser à leurs pieds. Une plume virevolta avant de se fondre à la lande gelée. Le grand oiseau hua, faisant claquer son bec. Son cri fut couvert par les rugissements du vent. Seuls les mots de la vieille Katell, comme arrimés à un fil invisible, pouvaient avoir pénétré les esprits. De l’autre côté de l’anse, une masse sombre émergea des ténèbres de la mer, parut raser la lune énorme. Une nef dont la voile unique s’effilochait en lambeaux, un navire de cent tonneaux peut-être ; la manne que les habitants attendaient. Elle oscillait désespérément sur les flots, incapable de résister à l’attrait des récifs, à l’appel de la sorceresse. Les lamentations qui s’en échappaient retombaient dans le sourd hourvari des vagues. L’albatros battit des ailes, la Ronde se brisa. Comme brusquement extirpés de leur transe, les corps s’immobilisèrent, les bouches jusqu’ici muettes murmurèrent. Ils étaient de tous âges sous les chapes de laine protégées des embruns par la couche de cire dont celles-ci étaient enduites. Une trentaine de vilains qui n’attendaient plus qu’un ordre à présent. Un craquement formidable fracassa le râle de la terre. Le noroît sifflait.
 — Allez ! chuchota Katell. Débarrassant les vaches des lanternes dont les oscillations avaient servi à attirer le navire en détresse, les manants s’en allèrent afin de récupérer leur trésor. L’albatros s’envola dans leur sillage. La blancheur de givre de la lande se grisa dès qu’ils eurent descendu le tertre. Il n’y avait plus que le bleuté de la lune pour éclairer maintenant la vieille Katell… et Maeve demeurée auprès d’elle. Sa poigne s’éternisait sur le bras de la donzelle. Celle-ci ne chercha pas à s’esquiver. La silhouette d’un jeune pêcheur réapparut à mi-pente du tumulus. Le bonnet de laine rouge qui emboîtait son crâne dominait des traits façonnés à la serpe. Il boitait, mais était grand et large d’épaules sous le mantel qui le couvrait tout entier. La jeune femme lui cria : — Va-t-en, Brann ! Va-t-en avec eux, je vous rejoindrai plus tard… Il sembla hésiter un instant – sans doute avait-il ressenti au cours de la Ronde le désir trouble monter en Maeve, la sève de son désir qui exigeait en cette fête d’Imbolc de renaître à la vie après avoir donné la mort -, mais il connaissait sa cousine, elle ne se rebellerait pas contre la main qui restait plaquée à sa manche. Elle était de la même engeance que Katell : fille du vent et de la mer. Elles commandaient, ils obéissaient. Brann obéit. Était-ce pour montrer qu’il consentait à sa demande ? Il souleva haut sa lanterne où se consumait un moignon de suif puis la rabattit et fit volte-face. La couche d’humus, rigidifiée par le gel, craqua sous ses sabots. Une enfilade de falots s’était engagée dans la langue de terre étroite et basse qui reliait les deux côtés de l’anse. Des bordées d’écume échevelaient les récifs, la population devrait attendre que la tempête se calmât pour approcher le lieu du naufrage. Restait à la vieille Katell de convaincre les Esprits des Eaux de se retirer. Elle ne le fit pas tout de suite pourtant, une ombre endeuillait son regard. — Ils viennent, Maeve. Ses mots se répétaient. Pourquoi ? Le noroît la fit vaciller, elle avait l’air si fragile tout à coup ! La jeune femme l’entoura de ses bras, elle sentit les os sous la peau, huma les relents de peur, prémices de ce qui était à venir : supplice, souffrances. Exil. Maeve se raidit. L’aïeule n’avait jamais eu peur. De rien ni de quiconque.
Mais cette fois était différente, la jeune femme sut que le mal prendrait sous peu possession de l’île. Sa voix crachota : — Par Dieu, qui ? — Des hommes à l’âme tourmentée et qui nous disent plus cruelles que la mort, infectées par l’hérésie de la sorcellerie. — Celle-ci n’existe pas. — Leur ignorance les guide. Ils viennent. Maeve secoua vigoureusement la tête, l’or irisé de sa chevelure balaya sa poitrine. Contrairement à la plupart des habitants de l’île dehors cette nuit, elle ne portait pas de pèlerine pour la protéger du froid, juste une cotte aux manches amples et un surcot de même toile brune, ceinturé par un cordon de cuir entrelacé. Maeve aimait la morsure de l’air dans les replis de sa chair, c’était son plaisir. L’un parmi d’autres. Et personne ne s’élèverait contre ce qu’elle était. — Nous ne les laisserons pas nous offenser, Katell. Qu’ils viennent et ces marauds le regretteront… Sur le visage parcheminé de la vieille femme s’esquissa un drôle de sourire, d’une douceur enfantine, ouvert sur des incisives ébréchées, jaunies par le temps, et qui tranchait sur la dureté des iris d’un bleu de glace. — Tu as raison, ma fille, l’Ankou de la Mer nous protégera. Le halo des lanternes de bois s’éteignait au loin et s’éteignait avec lui l’éclat surnaturel de la lune. L’astre était si proche encore, cadrant l’horizon et ses récifs où un navire s’était éventré. Brisée de corps et de bois. La farandole de falots attendait. Seul le fracas des vagues se faisait entendre à présent. Au sommet du tumulus, deux femmes se détachèrent l’une de l’autre. Hérissées entre terre et ciel, elles allaient soumettre la tempête. Une paire d’ailes blanches les survola. L’île leur appartenait.

Histoires singulières de vies ordinaires

Voilà un recueil écrit comme un miroir tendu à notre société, une plongée dans ce qui se murmure autour de nous, en nous aussi parfois.

Les histoires qui le composent mettent en scène des personnages tout en heurts et fragilités, bousculés par la vie, par son âpre réalité. De temps à autre, ils nous emmènent dans quelque pays lointain ou univers décalé, comme si, au fond, il n’y avait pas de frontière entre le rêve et le monde qui nous entoure.

Histoires singulières de vies ordinaires, c’est un voyage dans l’âme humaine.

Quatorze nouvelles fortes, étranges, troublantes.

Quatorze nouvelles qui ne s’oublient pas.

 

Extrait :

– Regarde, dit l’enfant.

Ce qu’il désigne est un tableau, l’écho d’une épiphanie d’atmosphère ; un tableau  signé Vincent Van Gogh.

– Dessine-moi des soleils, ajoute l’enfant.

Une ligne d’un blanc émaillé se profile entre ses lèvres. Elle a tout l’air d’un trait qui relierait un point A à un point B (l’idée de joie à celle de bonheur), il ne faut pas la briser.

Que rétorquer ?

Comment le père pourrait-il expliquer à l’enfant que les soleils dont il parle ont tout de sphères étoilées.

Que la nuit a pris le pas sur le jour.

Que l’oppression ressentie par la vague déferlante du ciel a quelque chose de féroce et qu’il pourrait sombrer, être happé, déchiqueté par cette série de chromes et de bleus ?

La main tremble, la craie hésite. Le père devra bientôt rendre l’enfant, l’heure tourne, mais il ne se décide pas. Pourquoi l’a-t-il conduit en ce musée ? Le tableau captive le garçon. Ses yeux se plissent pour mieux contempler la toile et ses volutes nébuleuses. Elles ont quelque chose de magique pour lui. Il a le sentiment d’un astre démultiplié, comme une guerre des mondes qui roulerait ses fanes au-dessus du village tracé à gros traits hachés. Et puis il y a cet arbre, là, au ras de son regard qui semble vouloir monter vers le firmament. L’enfant en est sûr, l’arbre est prêt à s’envoler pour perforer de ses cimes le royaume des dieux.

Tue-moi

Dans un champ de blé, un bébé vient de naître, sa mère à ses côtés, morte, une statuette de bois dans sa paume entrouverte.

Le nouveau-né est découvert, recueilli, aimé par un couple de saltimbanques.

Enfant devenu femme avec le drame de sa naissance pour obsession, Zahra part à la recherche du père, celui qui n’était pas là. Un père, devenu l’objet d’une valse entre amour et déraison ; objet d’une quête originelle nécessaire, pour une rencontre, ultime.

Tue-moi met en scène avec une écriture âpre, nuancée de poésie, l’idée de vengeance qui bouleverse tout. Toutes les lois du cœur, toutes les retenues de l’âme.

Le blog de Promenades culturelles a dit :
« Chloé Dubreuil sort des sentiers battus en nous présentant ce livre, à mi-chemin entre roman noir et thriller. Nous ne sommes pas ici dans quelque chose d’historique.

Le titre peut déjà nous faire concevoir une histoire peu banale… et les gros nuages sur la couverture sont symboliques de tout ce qui peut venir obscurcir une vie, ce qui est bien le cas ici.

Lorsqu’une famille de nomades découvre dans un champ une femme morte en couches et son bébé à côté, leur instinct familial les pousse à adopter cette petite chose qui n’a rien demandé et qui commence sa vie ainsi, dans la boue. Là encore, on pourra y voir un présage. Mais comme souvent chez les enfants adoptés, la recherche de ses racines est plus forte que tout, quitte à détruire…

J’ai lu ce livre sans m’arrêter, ou à peine. On peut dire que Chloé Dubreuil sait ménager le suspense. On souffre avec la famille adoptive, avec Zahra. On veut savoir nous aussi, coûte que coûte. Je ne m’attendais pas du tout à ce dénouement, qui m’a laissé un sentiment de malaise car, sans rien dévoiler, on peut dire qu’il est peu conventionnel (ouf, heureusement !), que ce soit dans la vie réelle ou dans les habitudes que nous avons lorsque nous lisons un roman de ce type.

Tout ceci vous intrigue ? Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire… »

« On s’assoit et on ouvre le livre, aux premières pages, on se doute que la fin sera tragique, alors on s’installe, tranquille, on va chercher un verre, on continue, on rentre dedans, les descriptions si réalistes font en sorte que l’on est immergé totalement dans l’histoire, on ressent et on imagine les situations.
Au fur à mesure des pages cela s’enchaîne, s’accélère et puis la FIN, dure, impensable, je n’osais y croire ou je ne voulais pas y croire… » – Gilles google

Fortunae

Fin du IIIème siècle. L’Empire romain est à l’aube d’un nouveau souffle, un monde en pleine mutation s’esquisse.
« Vive les Bagaudes, à bas Rome ! » crient les plus humbles dans le nord de la Gaule. Voici venu le temps de la rébellion, elle sera pleine de fureur et de sang. Tandis qu’aux portes de Lutèce, de nombreuses âmes suivent son sillage, aux marges de l’Empire, Dioclès, Commandant de la Garde impériale et futur Dioclétien, lutte pour accéder au pouvoir suprême.
A des milles de là, dans l’enceinte de la Ville la plus sacrée d’entre toutes, d’autres destinées se nouent : Albius Flaccus, jeune verrier au faîte de son art, se voit subitement contraint à l’esclavage. Le cœur de la clarissime Aleydis s’exalte pour son idéal chrétien. La muette Svenhild, autrefois discplie d’une prêtresse franque, aujourd’hui funambule d’une troupe de saltimbanques, se voit assurée par la voix de ses runes que l’amour et la liberté croiseront son chemin.
Mais les dieux sont joueurs, et s’ils faussaient le jeu pour mieux nous surprendre ?

Fondé sur des recherches rigoureuses, Fortunae fait partie de ces romans qui nous font découvrir avec passion des épisodes oubliés de la grande histoire de l’Empire romain.

Chloé Dubreuil anime des ateliers d’écriture et cours d’expression écrite en médiathèques, lycées et universités à Lyon où elle vit et écrit. Auteur de plusieurs ouvrages (romans, nouvelles, monographie),

Fortunae – De pourpre et de cendres est son troisième roman historique après Le temps d’Uranie et Yéshoua – Au nom du Fils.

 

Chroniques sorties autour de Fortunae:

Blog de Lydia :
« Passionnant ! Je me suis laissée emporter dès les premières pages dans cette histoire reprenant la grande, avec un grand H. Je ne connaissais pas les Bagaudes, ces bandes révoltées constituées de paysans gaulois et d’esclaves, qui firent trembler Rome et son empire.

Je ne ferai pas de résumé, la quatrième de couverture étant suffisamment complète. Je préfère m’attarder sur le style de Chloé Dubreuil. J’avais déjà apprécié sa plume dans Yéshoua, au nom du fils, roman sublime, original dans lequel le narrateur n’était autre que Jésus lui-même. Non plus l’entité que nous connaissons mais l’être humain, cette image de lui qui nous échappe au fond. Ici, c’est dans un tout autre registre que je la retrouve, toujours avec le même plaisir d’ailleurs. Je reconnais sa « patte ». Il a dû lui falloir des heures et des heures de travail pour s’approprier l’Histoire antique et, ce qui est fabuleux, – et qui me passionne toujours dans les bons romans historiques -, c’est que l’on ne « subit » pas un enseignement. L’écriture est si fluide que l’on se régale de tourner les pages, apprenant sans s’en rendre compte, tout un pan du patrimoine. Elle a su fondre les événements historiques dans son texte, tant et si bien que, sans la précision au début de l’ouvrage, nous ne reconnaîtrions pas les personnages réels des fictifs. Et c’est toujours le point d’achoppement, à mon sens, déterminant la réussite.

Que dire de plus ? Je crois que vous avez compris à quel point je me suis passionnée pour ce livre que je vous recommande absolument. »

Akarinthi.com :
« Si vous aimez l’histoire, si vous rêvez de connaître de l’intérieur l’Europe du III° siècle, alors je vous recommande Fortunae.

Les empereurs Carin et Numérien ne sont plus. Dioclès leur succède, mais la passation du pouvoir n’est pas aisée ; le nouvel empereur a des réformes en tête, ce qui ne plait pas à tous les patriciens. Pendant ce temps, Albius Flaccus Ravilla, jeune romain verrier, se voit brusquement vendu comme esclave par son oncle qui doit éponger ses dettes. Il échoue dans le domaine du clarissime Titus Volutianus Tertius auquel il doit deux années de sa vie. La fille de celui-ci, Aleydis, secrètement convertie au christianisme, tombe amoureuse d’Albius et espère s’unir à lui à sa libération.

Le lecteur suit l’histoire de l’Empire romain à travers l’histoire de ces différents personnages, auxquels il faut ajouter Svenhild, ancienne disciple d’une prêtresse franque devenue muette et, loin de Rome, Atuo le gaulois qui s’engage dans un groupe de brigands, les Bagaudes.

Quel lien les unit les uns aux autres ?

A l’aube de son déclin, l’Empire tremble sur ses fondations. Ses frontières sont difficiles à garder, au sein des peuples soumis gronde la révolte. Les luttes pour le pouvoir, dans toutes les strates de la société, sont sans pitié. La mort rôde. Elle fait peur, elle est une compagne fidèle sur laquelle chaque individu sait devoir compter, qu’il soit patricien, homme du peuple, esclave, gueux des provinces soumises ou soldat.

Si les luttes de pouvoir ont traversé les siècles et passionnent tout autant nos générations actuelles que celles de nos ancêtres, certaines difficultés inhérentes à l’immensité d’un pays de l’Antiquité n’existent plus aujourd’hui. A commencer par la communication. Chloé Dubreuil a fait un immense travail de recherche pour écrire Fortunae. Le lecteur découvrira la vie de Saint-Sébastien avant qu’il ne soit transpercé de flèches, apprendra les remèdes d’antan pour panser les blessures, aura une vision de la résistance à la souffrance de nos ancêtres, ira à la rencontre des Bagaudes… La minutie des détails est fantastique. A l’aide d’un vocabulaire riche, presque technique, Chloé Dubreuil s’est attachée à reconstituer un univers qui projette le lecteur deux mille ans en arrière. J’ai vu dans le développement des différents personnages un réel intérêt historique. En revanche, mise parfois en difficulté face à un vocabulaire difficile, j’aurais apprécié un lexique à la fin de l’ouvrage : il m’aurait permis de mieux comprendre la finesse de certains détails que je ne suis pas sûre d’avoir savouré à leur juste niveau.

La lecture de Fortunae pendant mes années lycée m’aurait aidée à saisir l’âme de cet empire et les difficultés de le maintenir à flot. A proposer à nos lycéens latinistes ? »

 

Extrait:
Depuis des temps immémoriaux, la parque Decima ne se lasse pas de disposer le fil sur le fuseau des destinées humaines. De ses amours avec Jupiter, le meilleur, le plus grand, ne pouvait naître qu’une reine au cœur inconstant.
« À toi donc, Fors Fortuna, déesse Fortune qui fais trembler les empereurs sous leur pourpre et s’incliner devant ton front d’airain des nations toutes entières, le droit de changer en deuil d’éminents triomphes ou d’élever des mortels de la condition la plus humble aux plus hautes gloires. »

*

Rome,
19 mars de l’année 284 sous les empereurs Carin et Numérien.

La rumeur de la plèbe ne se fait plus entendre, le jour et son dôme de nuages gris s’est évaporé ; il n’est plus question de lumière et de vie dans les entrailles de Rome. Le monde est noir, cerné par une puanteur sans nom. Noir et brumeux comme les marais du Styx. Que dissimule-t-il ? Un peuple de misère, des charognes soumises à l’appétit des rats. Albius n’aurait pas dû s’aventurer dans le Grand Egout de la ville, il n’aurait jamais dû croire que son oncle pût avoir échoué là.
Il défaille – l’odeur est insupportable -, se plie en deux pour vomir sa répugnance, ce qui éteint aussitôt la chandelle de sa lanterne. Lorsqu’il se redresse, les ténèbres lui font pousser un geignement qui se répercute sous les hautes voûtes de pierre. En tâtonnant, il réussit à trouver dans sa besace un bâtonnet soufré qu’il allume en le frottant contre le silex rangé dans son briquet. Il l’avance vers la mèche de sa chandelle. Un soupir de soulagement lui échappe. La lueur qu’elle dispense est maigre et cependant suffisante pour lui permettre d’avancer sans crainte de frôler l’un des sales rongeurs qui infestent les lieux.
Le clapotement de l’eau chargée d’immondices atténue si peu le silence oppressant… Albius Flaccus Ravilla se retourne un instant pour regarder les marches qu’il vient de descendre, luisantes d’humidité comme l’air qu’il respire. Il peut encore faire demi-tour, remonter à la

surface, pousser discrètement la grille qui s’ouvre sur le Forum et rentrer mettre à chauffer le four, tailler les blocs de verre. Il pourrait le faire, mais qu’adviendra-t-il de lui sans son oncle Vestorius à ses côtés ?
Il doit savoir si le maître verrier a réellement rejoint les mânes de leurs ancêtres. N’est-ce pas ce qu’a suggéré le tavernier auprès duquel l’artisan prend habituellement ses paris ? Le Thrace suit de près les affaires de ses clients et pour lui Vestorius ne s’est pas comporté comme attendu. Des messages ont été adressés aux comptoirs de la rue des Argentiers, l’un des tessons de poterie est revenu marqué d’une lune noire, funeste.
Par Poros, à quel expédient as-tu été conduit, mon oncle ?
Albius resserre les doigts sur le bâton dont il a pris soin de se munir. Il ne s’habituera pas à l’âcreté des lieux, elle lui picote les yeux, le fait haleter, mais après une nuit de veille, il a pris sa décision et il s’y tiendra. Cinq jours sont passés sans que son oncle ne réapparaisse. Cinq jours à attendre dans l’inquiétude, avec le pressentiment d’un bouleversement à venir. Il semble bien cette fois que les usuriers de Vestorius aient perdu patience…
Le Romain se fige. La clarté vacillante de sa lanterne ne lui a pas permis de l’apercevoir plus tôt, mais un corps boursouflé est étendu à dix coudées de lui. Les yeux gris pâles se plissent, le fin visage se tord. Sans même s’approcher, il devine que le corps n’est plus qu’un cadavre ; l’odeur de putréfaction qui s’en dégage ne laisse planer aucun doute.
Albius avance d’un pas, les jambes tremblantes ; les rats sont déjà à l’œuvre. La nausée s’invite de nouveau en lui, il a un hoquet, place vivement une main devant sa bouche avant d’expirer longuement, à petits coups hachés. Il ne tiendra pas longtemps dans ce cloaque.
Sur combien de chevaux Vestorius a-t-il encore parié ? Sa rage à manier ses monnaies l’a perdu de réputation, a fini par lasser la Chance. Et maintenant…
Le froid glacial de l’endroit tombe sur le cœur d’Albius. Il resserre les pans de son manteau sur sa tunique rapiécée, remonte sa capuche sur ses courts cheveux noirs, précocement nuancés d’une mèche grisée, et se dirige vers le cadavre. Mais des prunelles d’or surgissent brusquement de l’obscurité, faisant aussitôt s’éparpiller les rats. Albius retient son souffle, les prunelles obliquent, il aperçoit subrepticement une robe couleur brune au ras du sol avant de percevoir un couinement aigu. Une belette en chasse… Il n’attend pas, se précipite au-dessus de la dépouille de l’homme, dégage son visage du bout de sa chaussure de cuir. Le bas de sa face a disparu, des lambeaux de chair ont été arrachés, mais les furoncles qui pointent sur son front n’ont rien de commun avec son oncle.
L’envie de fuir reprend le jeune homme. Le Thrace l’a pourtant affirmé : après avoir été roué de coups, Vestorius a été jeté là deux nuits plus tôt, nécessairement là, quelque part dans ce boyau putride. Albius jette un œil à sa lanterne, la mèche de la chandelle se consume doucement. Depuis le jour où il a rasé son premier duvet, il vit dans la peur d’un moment pareil à celui-ci. Et sa peur l’a rendu lâche. Lâche comme ces millions d’âmes libres ou serviles qui susurrent « Ne nous abandonne pas ! » à un empire revenu aux origines du monde, quand l’univers entier n’était que chaos.
Albius en atteste Jupiter, il n’en sera plus de même pour lui. Les cinq années qui viennent de passer l’ont tenu au secret, il en a perdu le goût de sa ville et de ses fantaisies. Son aire de vie s’est peu à peu restreinte au seul quartier de l’Aventin où ils logent. Mais même si la pauvreté et la mort sont peu de choses sur cette terre gouvernée par les puissances d’en-haut, il ne fuira plus ; Vestorius ne lui laisse pas le choix.
Les doigts qui serrent le bâton à s’en blanchir les jointures relâchent leur prise, les yeux de cendre prennent un étrange éclat vitreux. Sans un dernier regard au cadavre, Albius s’enfonce plus avant dans les ténèbres.

 

Yéshoua Au nom du Fils

‘Le désert me broie le coeur, je ne sais pas si j’en reviendrai…’

On a toujours parlé et écrit au nom de Jésus.
Pour la première fois, il prend la parole et raconte à la première personne son
histoire d’homme, sa spiritualité, ses doutes au coeur de la Judée sous domination
romaine.
De la conception à la crucifixion, ce roman revisite avec une inspiration étonnante
les événements relatés dans les Evangiles.
Il offre aussi une évocation intime, une appréciation historique des 35 premières
années de la vie de Yéshoua, dans une langue poétique inspirée de l’araméen et
des écrits bibliques.
C’est l’évangile de Jésus-Christ selon Yéshoua qui donne un relief nouveau au message de Jésus et offre
une vision très surprenante des épisodes et des miracles de son ministère.

Chloé Dubreuil se définit comme une ‘spiritualiste athée’.
Yéshoua – Au nom du Fils, son premier roman historique, est le fruit de trois années de travail et de recherches.
En librairie depuis le 20 avril 2012

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