Fortunae

Fin du IIIème siècle. L’Empire romain est à l’aube d’un nouveau souffle, un monde en pleine mutation s’esquisse.
« Vive les Bagaudes, à bas Rome ! » crient les plus humbles dans le nord de la Gaule. Voici venu le temps de la rébellion, elle sera pleine de fureur et de sang. Tandis qu’aux portes de Lutèce, de nombreuses âmes suivent son sillage, aux marges de l’Empire, Dioclès, Commandant de la Garde impériale et futur Dioclétien, lutte pour accéder au pouvoir suprême.
A des milles de là, dans l’enceinte de la Ville la plus sacrée d’entre toutes, d’autres destinées se nouent : Albius Flaccus, jeune verrier au faîte de son art, se voit subitement contraint à l’esclavage. Le cœur de la clarissime Aleydis s’exalte pour son idéal chrétien. La muette Svenhild, autrefois discplie d’une prêtresse franque, aujourd’hui funambule d’une troupe de saltimbanques, se voit assurée par la voix de ses runes que l’amour et la liberté croiseront son chemin.
Mais les dieux sont joueurs, et s’ils faussaient le jeu pour mieux nous surprendre ?

Fondé sur des recherches rigoureuses, Fortunae fait partie de ces romans qui nous font découvrir avec passion des épisodes oubliés de la grande histoire de l’Empire romain.

Chloé Dubreuil anime des ateliers d’écriture et cours d’expression écrite en médiathèques, lycées et universités à Lyon où elle vit et écrit. Auteur de plusieurs ouvrages (romans, nouvelles, monographie),

Fortunae – De pourpre et de cendres est son troisième roman historique après Le temps d’Uranie et Yéshoua – Au nom du Fils.

 

Chroniques sorties autour de Fortunae:

Blog de Lydia :
« Passionnant ! Je me suis laissée emporter dès les premières pages dans cette histoire reprenant la grande, avec un grand H. Je ne connaissais pas les Bagaudes, ces bandes révoltées constituées de paysans gaulois et d’esclaves, qui firent trembler Rome et son empire.

Je ne ferai pas de résumé, la quatrième de couverture étant suffisamment complète. Je préfère m’attarder sur le style de Chloé Dubreuil. J’avais déjà apprécié sa plume dans Yéshoua, au nom du fils, roman sublime, original dans lequel le narrateur n’était autre que Jésus lui-même. Non plus l’entité que nous connaissons mais l’être humain, cette image de lui qui nous échappe au fond. Ici, c’est dans un tout autre registre que je la retrouve, toujours avec le même plaisir d’ailleurs. Je reconnais sa « patte ». Il a dû lui falloir des heures et des heures de travail pour s’approprier l’Histoire antique et, ce qui est fabuleux, – et qui me passionne toujours dans les bons romans historiques -, c’est que l’on ne « subit » pas un enseignement. L’écriture est si fluide que l’on se régale de tourner les pages, apprenant sans s’en rendre compte, tout un pan du patrimoine. Elle a su fondre les événements historiques dans son texte, tant et si bien que, sans la précision au début de l’ouvrage, nous ne reconnaîtrions pas les personnages réels des fictifs. Et c’est toujours le point d’achoppement, à mon sens, déterminant la réussite.

Que dire de plus ? Je crois que vous avez compris à quel point je me suis passionnée pour ce livre que je vous recommande absolument. »

Akarinthi.com :
« Si vous aimez l’histoire, si vous rêvez de connaître de l’intérieur l’Europe du III° siècle, alors je vous recommande Fortunae.

Les empereurs Carin et Numérien ne sont plus. Dioclès leur succède, mais la passation du pouvoir n’est pas aisée ; le nouvel empereur a des réformes en tête, ce qui ne plait pas à tous les patriciens. Pendant ce temps, Albius Flaccus Ravilla, jeune romain verrier, se voit brusquement vendu comme esclave par son oncle qui doit éponger ses dettes. Il échoue dans le domaine du clarissime Titus Volutianus Tertius auquel il doit deux années de sa vie. La fille de celui-ci, Aleydis, secrètement convertie au christianisme, tombe amoureuse d’Albius et espère s’unir à lui à sa libération.

Le lecteur suit l’histoire de l’Empire romain à travers l’histoire de ces différents personnages, auxquels il faut ajouter Svenhild, ancienne disciple d’une prêtresse franque devenue muette et, loin de Rome, Atuo le gaulois qui s’engage dans un groupe de brigands, les Bagaudes.

Quel lien les unit les uns aux autres ?

A l’aube de son déclin, l’Empire tremble sur ses fondations. Ses frontières sont difficiles à garder, au sein des peuples soumis gronde la révolte. Les luttes pour le pouvoir, dans toutes les strates de la société, sont sans pitié. La mort rôde. Elle fait peur, elle est une compagne fidèle sur laquelle chaque individu sait devoir compter, qu’il soit patricien, homme du peuple, esclave, gueux des provinces soumises ou soldat.

Si les luttes de pouvoir ont traversé les siècles et passionnent tout autant nos générations actuelles que celles de nos ancêtres, certaines difficultés inhérentes à l’immensité d’un pays de l’Antiquité n’existent plus aujourd’hui. A commencer par la communication. Chloé Dubreuil a fait un immense travail de recherche pour écrire Fortunae. Le lecteur découvrira la vie de Saint-Sébastien avant qu’il ne soit transpercé de flèches, apprendra les remèdes d’antan pour panser les blessures, aura une vision de la résistance à la souffrance de nos ancêtres, ira à la rencontre des Bagaudes… La minutie des détails est fantastique. A l’aide d’un vocabulaire riche, presque technique, Chloé Dubreuil s’est attachée à reconstituer un univers qui projette le lecteur deux mille ans en arrière. J’ai vu dans le développement des différents personnages un réel intérêt historique. En revanche, mise parfois en difficulté face à un vocabulaire difficile, j’aurais apprécié un lexique à la fin de l’ouvrage : il m’aurait permis de mieux comprendre la finesse de certains détails que je ne suis pas sûre d’avoir savouré à leur juste niveau.

La lecture de Fortunae pendant mes années lycée m’aurait aidée à saisir l’âme de cet empire et les difficultés de le maintenir à flot. A proposer à nos lycéens latinistes ? »

 

Extrait:
Depuis des temps immémoriaux, la parque Decima ne se lasse pas de disposer le fil sur le fuseau des destinées humaines. De ses amours avec Jupiter, le meilleur, le plus grand, ne pouvait naître qu’une reine au cœur inconstant.
« À toi donc, Fors Fortuna, déesse Fortune qui fais trembler les empereurs sous leur pourpre et s’incliner devant ton front d’airain des nations toutes entières, le droit de changer en deuil d’éminents triomphes ou d’élever des mortels de la condition la plus humble aux plus hautes gloires. »

*

Rome,
19 mars de l’année 284 sous les empereurs Carin et Numérien.

La rumeur de la plèbe ne se fait plus entendre, le jour et son dôme de nuages gris s’est évaporé ; il n’est plus question de lumière et de vie dans les entrailles de Rome. Le monde est noir, cerné par une puanteur sans nom. Noir et brumeux comme les marais du Styx. Que dissimule-t-il ? Un peuple de misère, des charognes soumises à l’appétit des rats. Albius n’aurait pas dû s’aventurer dans le Grand Egout de la ville, il n’aurait jamais dû croire que son oncle pût avoir échoué là.
Il défaille – l’odeur est insupportable -, se plie en deux pour vomir sa répugnance, ce qui éteint aussitôt la chandelle de sa lanterne. Lorsqu’il se redresse, les ténèbres lui font pousser un geignement qui se répercute sous les hautes voûtes de pierre. En tâtonnant, il réussit à trouver dans sa besace un bâtonnet soufré qu’il allume en le frottant contre le silex rangé dans son briquet. Il l’avance vers la mèche de sa chandelle. Un soupir de soulagement lui échappe. La lueur qu’elle dispense est maigre et cependant suffisante pour lui permettre d’avancer sans crainte de frôler l’un des sales rongeurs qui infestent les lieux.
Le clapotement de l’eau chargée d’immondices atténue si peu le silence oppressant… Albius Flaccus Ravilla se retourne un instant pour regarder les marches qu’il vient de descendre, luisantes d’humidité comme l’air qu’il respire. Il peut encore faire demi-tour, remonter à la

surface, pousser discrètement la grille qui s’ouvre sur le Forum et rentrer mettre à chauffer le four, tailler les blocs de verre. Il pourrait le faire, mais qu’adviendra-t-il de lui sans son oncle Vestorius à ses côtés ?
Il doit savoir si le maître verrier a réellement rejoint les mânes de leurs ancêtres. N’est-ce pas ce qu’a suggéré le tavernier auprès duquel l’artisan prend habituellement ses paris ? Le Thrace suit de près les affaires de ses clients et pour lui Vestorius ne s’est pas comporté comme attendu. Des messages ont été adressés aux comptoirs de la rue des Argentiers, l’un des tessons de poterie est revenu marqué d’une lune noire, funeste.
Par Poros, à quel expédient as-tu été conduit, mon oncle ?
Albius resserre les doigts sur le bâton dont il a pris soin de se munir. Il ne s’habituera pas à l’âcreté des lieux, elle lui picote les yeux, le fait haleter, mais après une nuit de veille, il a pris sa décision et il s’y tiendra. Cinq jours sont passés sans que son oncle ne réapparaisse. Cinq jours à attendre dans l’inquiétude, avec le pressentiment d’un bouleversement à venir. Il semble bien cette fois que les usuriers de Vestorius aient perdu patience…
Le Romain se fige. La clarté vacillante de sa lanterne ne lui a pas permis de l’apercevoir plus tôt, mais un corps boursouflé est étendu à dix coudées de lui. Les yeux gris pâles se plissent, le fin visage se tord. Sans même s’approcher, il devine que le corps n’est plus qu’un cadavre ; l’odeur de putréfaction qui s’en dégage ne laisse planer aucun doute.
Albius avance d’un pas, les jambes tremblantes ; les rats sont déjà à l’œuvre. La nausée s’invite de nouveau en lui, il a un hoquet, place vivement une main devant sa bouche avant d’expirer longuement, à petits coups hachés. Il ne tiendra pas longtemps dans ce cloaque.
Sur combien de chevaux Vestorius a-t-il encore parié ? Sa rage à manier ses monnaies l’a perdu de réputation, a fini par lasser la Chance. Et maintenant…
Le froid glacial de l’endroit tombe sur le cœur d’Albius. Il resserre les pans de son manteau sur sa tunique rapiécée, remonte sa capuche sur ses courts cheveux noirs, précocement nuancés d’une mèche grisée, et se dirige vers le cadavre. Mais des prunelles d’or surgissent brusquement de l’obscurité, faisant aussitôt s’éparpiller les rats. Albius retient son souffle, les prunelles obliquent, il aperçoit subrepticement une robe couleur brune au ras du sol avant de percevoir un couinement aigu. Une belette en chasse… Il n’attend pas, se précipite au-dessus de la dépouille de l’homme, dégage son visage du bout de sa chaussure de cuir. Le bas de sa face a disparu, des lambeaux de chair ont été arrachés, mais les furoncles qui pointent sur son front n’ont rien de commun avec son oncle.
L’envie de fuir reprend le jeune homme. Le Thrace l’a pourtant affirmé : après avoir été roué de coups, Vestorius a été jeté là deux nuits plus tôt, nécessairement là, quelque part dans ce boyau putride. Albius jette un œil à sa lanterne, la mèche de la chandelle se consume doucement. Depuis le jour où il a rasé son premier duvet, il vit dans la peur d’un moment pareil à celui-ci. Et sa peur l’a rendu lâche. Lâche comme ces millions d’âmes libres ou serviles qui susurrent « Ne nous abandonne pas ! » à un empire revenu aux origines du monde, quand l’univers entier n’était que chaos.
Albius en atteste Jupiter, il n’en sera plus de même pour lui. Les cinq années qui viennent de passer l’ont tenu au secret, il en a perdu le goût de sa ville et de ses fantaisies. Son aire de vie s’est peu à peu restreinte au seul quartier de l’Aventin où ils logent. Mais même si la pauvreté et la mort sont peu de choses sur cette terre gouvernée par les puissances d’en-haut, il ne fuira plus ; Vestorius ne lui laisse pas le choix.
Les doigts qui serrent le bâton à s’en blanchir les jointures relâchent leur prise, les yeux de cendre prennent un étrange éclat vitreux. Sans un dernier regard au cadavre, Albius s’enfonce plus avant dans les ténèbres.

 

2 réflexions au sujet de “Fortunae

  1. Véronique Deslandres says:

    Superbe ! ça donne envie de le lire. Toutes mes félicitations Chloé, tu as effectivement une belle plume.

  2. Chloe Dubreuil says:

    Merci Véronique, tes mots me touchent… Belles fêtes de fin d’année à toi.

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